«Notre mission est d’aider les autres à être dociles à la grâce de Dieu»

Fernando Ocariz, vicaire auxiliaire de l’Opus Dei, a répondu aux questions de Jordi Picazo, lors d’une interview réalisée le 25 juin dernier, veille du 41ème anniversaire du départ au Ciel de leur fondateur. Au cours de cet entretien, il revient notamment sur le statut de vicaire auxiliaire, nouveau dans le gouvernement de l’Opus Dei.

mgr Fernando Ocariz

Interview accordée à Jordi Picazo par mgr Ocariz, vicaire auxiliaire de l’Opus Dei, publiée dans « Religión en Libertad ».

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Mgr Fernando Ocariz (né à Paris, le 27 octobre 1944), licencié en Théologie à l’Université Pontificale du Latran (1969), fut ordonné prêtre en 1971, après son doctorat à l’université de Navarre.

Professeur titulaire de Théologie Fondamentale à l’Université Pontificale de la Sainte-Croix, il est, depuis 1986, consultant de la Congrégation pour la doctrine de la foi ; depuis 2003, il est aussi consultant de la Congrégation du Clergé et, depuis 2011, également consultant du Conseil Pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation.

Depuis 1989, il est membre de l’Académie Pontificale de Théologie.

Nommé vicaire général le 23 avril 1994 par Mgr Xavier Echevarria, évêque-prélat de la Prélature de l’Opus Dei, il est devenu Vicaire auxiliaire de l’Opus Dei le 9 décembre 2014. Mgr Mariano Fazio assume désormais la charge de Vicaire général.

La figure du vicaire auxiliaire est prévue dans le droit de l’Église pour la prélature de l’Opus Dei aux nn.134§1 et 135 du Codex “iuris particularis Operis Dei” promulgué par saint Jean-Paul II dans la Constitution Apostolique Ut sit, le 28 novembre 1982. Ce statut avait donc été envisagé par leur Fondateur.

Dans le décret de nomination, Mgr Xavier Echevarria déclare que « l’extension du travail apostolique de la Prélature et la croissance du nombre des circonscriptions régionales, des centres et des œuvres dont le travail pastoral est confié à l’Opus Dei, ont fait que le volume de travail de gouvernement qui revient au prélat est de plus en plus important » ; de ce fait, ajoute-t-il, « compte tenu de mon âge, j’estime qu’il est opportun de procéder à la nomination d’un Vicaire auxiliaire ».

Désormais et pour la première fois, le prélat tient avec vous la barre du navire de l’Opus Dei, grâce à une figure envisagée par votre Fondateur. Est-ce un geste de détachement de sa part ?

Après avoir entendu les organes de conseil qui l’assistent dans son gouvernement pastoral, Mgr Echevarria a décidé de me nommer vicaire auxiliaire pour que je partage avec lui le pouvoir exécutif, réservé de droit au prélat.

C’est une figure qu’avait envisagée saint Josémaria, notre Fondateur.

Par ailleurs, les statuts de la prélature définissent la fonction du prélat comme « maître et père ». Cela montre que la tâche que l’Église confie au prélat —comme à tout pasteur à la tête d’une circonscription ecclésiastique— ne se limite pas à l’exercice du pouvoir de gouvernement mais qu’elle comprend aussi cette dimension importante de paternité vis-à-vis de tous les fidèles, prêtres et laïcs, qui lui sont confiés.

Saint Josémaria incarna de façon très intense cette paternité spirituelle, caractéristique du prêtre. Et ce vécu est un legs transmis à ses successeurs. La paternité du prélat permet à tous les fidèles de la prélature de toucher du doigt ce trait de « famille », propre à l’Opus Dei, à l’Église, famille des enfants de Dieu.

L’Œuvre est une belle petite famille disait le bienheureux Alvaro del Portillo, una bella famigliola. Une Famille : est-ce le terme qui définit le mieux la nature de l’Opus Dei?

Le Pape nous rappelle que l’Église est « famille de familles » (Amoris Laetitia, n. 87). C’est dans la famille que l’on apprend à être heureux, à développer ses capacités. C’est le lieu où nous sommes aimés tel que nous sommes et auquel nous pouvons toujours revenir.

SAINT JOSÉMARiA CULTIVA CE CLIMAT FAMILIAL AUTOUR DE LUI (…)
RÉUSSIR À CRÉER CETTE AMBIANCE EST UNE CONQUÊTE DE TOUS LES JOURS, UN ENGAGEMENT DE CHAQUE MEMBRE DE LA FAMILLE

Saint Josémaria cultiva autour de lui un climat familial: prier les uns pour les autres, souhaiter porter aux autres la charité du Christ, se soucier de les servir, et, si besoin est, de les corriger. Créer cette ambiance est une conquête de tous les jours, un engagement de chaque membre de la famille.

Quel est le ‘Strategic Planning’ de l’Opus Dei pour un proche avenir? Vers où se dirige l’Opus Dei au XXIèmesiècle ?

Là où le Saint-Esprit nous poussera. Saint Josémaria nous demandait de nous ouvrir en éventail. Au XXIèmesiècle, il faudra toujours porter la semence de l’Église partout. L’essentiel est d’être docile à la grâce de Dieu, et d’aider chaque personne à l’être aussi, à avoir une vie cohérente et joyeuse au travail, en famille, dans la vie sociale.

Par ailleurs, nous tâcherons d’étendre les initiatives solidaires promues par les fidèles et les coopérateurs de la Prélature dans le monde entier.

AU XXIèmesiècle,l’ OPUS DEI SE DIRIGERA LÀ OÙL’ESPRIT SAINT LE POUSSERA (…) EN EUROPE, NOUS RELÈVERONS LE DÉFI DE LA CULTURE DE L’ACCUEIL FACE AUX NOUVEAUX FLUX MIGRATOIRES.

Avec la grâce de Dieu et le soutien de tant de gens, chrétiens ou pas, nous souhaitons élargir le rayon d’action des projets qui visent à mettre de « l’humanité » dans « notre maison commune ».

En Europe, nous relèverons de défi de la culture de l’accueil face aux nouveaux flux migratoires.

Ces prochaines années, nous chercherons à développer une pastorale de la famille et de la jeunesse bien ciblée, parce qu’elles sont soumises à de très fortes pressions.

Géographiquement parlant, envisagez-vous de commencer dans de nouveaux endroits prochainement ? Trouvez-vous des difficultés dans les zones où vous avez commencé récemment votre travail ?

C’est vrai, les évêques locaux de nombreux pays nous demandent. Nous pensons au Vietnam et à l’Angola. Il faut savoir que les personnes de l’Œuvre ne s’y rendent pas comme ça, mais pour y travailler professionnellement. Or, il est difficile de programmer tout cela à long terme.

En ce moment, nous commençons en Corée, par exemple. La plus grosse difficulté n’est ni le travail, ni les gens, mais plutôt la langue. L’Estonie, la Finlande sont aussi des endroits difficiles mais, Dieu aidant, l’Œuvre s’y développe. Le premier prêtre finlandais vient d’être ordonné.

En 2028 on fêtera les 100 ans de l’Opus Dei. Escriva passa la nuit du 23 au 24 juin1946 à prier de son balcon, le regard rivé sur le palais apostolique et la basilique Saint-Pierre, au Vatican. On lui avait dit que l’Opus Dei avait cent ans d’avance de par la nouveauté de sa doctrine sur le laïcat. Les laïcs du XXIèmesiècle, sont-ils comme les premiers chrétiens? Parlez-nous de la sanctification du mondeab intra.

Les laïcs du XXIèmesiècle, comme ceux de tous les temps, sont appelés à agir comme les premiers disciples du Christ: au cœur du monde, chez eux, à leur poste de travail, là où ils se détendent et s’amusent. Partout, dans n’importe quelle ambiance, ils sont invités à être apôtres, à parler du Christ, à s’adresser à Dieu leur Père qui les attend.

LE TRAVAIL DE L’OPUS DEI EST ESSENTIELLEMENT CELUI QUE FONT LES LAÏCS À LEUR POSTE

Saint Josémaria a mis à l’honneur ce chemin ordinaire vers la sainteté. Le travail de l’Opus Dei est essentiellement celui que font les laïcs, chacun à leur poste, les époux, auprès de leur famille et les prêtres avec leur ministère pastoral.

Alvaro del Portillo fut-il placé par Dieu près d’Escriva pour qu’il parvienne à faire l’Opus Dei?

En effet, notre fondateur remercia plus d’une fois le bon Dieu d’avoir Alvaro del Portillo à ses côtés. Je pense que la fécondité du bienheureux Alvaro vient du fait d’avoir cherché à faire la volonté de Dieu à tout instant. Il évita de se faire valoir personnellement et c’est précisément ce qui fit sa grandeur.

Beaucoup voient en lui un exemple de fidélité envers l’Église. Tout d’abord comme ingénieur, puis comme prêtre, et finalement comme évêque. Exemple de fidélité également envers les papes qu’il fréquenta et envers le fondateur de l’Opus Dei. De toute évidence, cette fidélité fut un appui solide pour notre fondateur. Une fidélité vécue comme une vertu créative parce qu’elle demande un renouvellement intérieur et extérieur permanent.

Le Pape François vient d’approuver le décret qui déclare Montse Grases «Vénérable». Montse Grases, morte d’un cancer à 17 ans, à Barcelone, était membre de l’Opus Dei. Elle est donc sur la voie d’une béatification éventuelle et d’une canonisation. La sainteté n’est donc plus une utopie ?

Dieu merci, la sainteté n’a jamais été une utopie : depuis le premier siècle jusqu’à aujourd’hui, très nombreux sont les chrétiens qui ont cherché à imiter le Christ jusqu’à l’héroïsme. Ceci dit, on avait peut-être oublié pendant un certain temps que tout baptisé est appelé à la sainteté et qu’il n’est pas besoin d’une consécration spéciale pour y arriver, à moins de recevoir une vocation particulière dans ce sens.

La nouvelle récente de Montse, jeune fille de Barcelone qui n’avait que 17 ans mais qui était bien décidée à se rapprocher de Dieu à tout instant, ne fait que le confirmer. C’est donc encourageant pour beaucoup de jeunes qui, comme elle, passent le plus clair de leur temps à l’école, à l’université, au sport, avec leurs amis.

L'ÉVANGÉLISATION EST LE FAIT DE TOUS LES CHRÉTIENS QUI PROCLAMENT TOUT L'ÉVANGILE, CHACUN À SON POSTE

Il faut prendre conscience que tout chrétien porte sur ses épaules la mission de l’Église. L’évangélisation est le fait de tous les chrétiens qui proclament intégralement l’évangile, chacun à son poste. Le prêtre en tant que prêtre, les laïcs en tant que laïcs : l’enseignant, en tant qu’enseignant, l’ouvrier, en tant qu’ouvrier, chacun le faisant spontanément et de lui-même, dans son milieu naturel.

Le concile Vatican II l’a proclamé clairement. Nous devons tous chercher la sainteté. Les gens ne s’inquiètent guère d’être canonisés ou pas. La canonisation n’intéresse que l’Église. Les saints sont un bienfait pour l’Église.

Quand le sol se dérobait sous vos pas, la miséricorde de la Sainte Vierge était là. L’avez-vous spécialement ressentie en cette Année Jubilaire ?

S’adresser à sa mère quand on est en difficulté est presque instinctif. Les chrétiens l’ont toujours fait, dès la Pentecôte où les Apôtres étaient tous autour d’Elle. Saint Josémaria se rendit dans beaucoup de sanctuaires mariaux pour demander des faveurs à la Vierge, pour la supplier de les protéger et pour prier pour l’Église. Puis il rentrait chez lui, comme s’il avait été délivré d’un poids parce qu’il avait éprouvé la miséricorde de Dieu.

CETTE ANNÉE JUBILAIRE DEVRAIT PERMETTRE À CHACUN DE TOUCHER DU DOIGT LA PROVIDENCE DE DIEU DANS SA VIE ORDINAIRE ET ÊTRE EN MÊME TEMPS LE CANAL POUR QUE LA MISÉRICORDE DE DIEU EN TOUCHE BEAUCOUP D’AUTRES

Cette année jubilaire devrait permettre à chacun de toucher du doigt la providence de Dieu dans sa vie, et être en même temps le canal pour que la miséricorde de Dieu en touche beaucoup d’autres. Le challenge c’est d’accueillir l’extraordinaire miséricorde divine dans « l’ordinaire».

L’Opus Dei est fort en communication et le prélat communique en permanence avec les fidèles de la Prélature. Quelle est l’importance de la communication dans l’Église et quels sont les défis à relever en ce domaine?

Merci pour vos appréciations mais j’estime qu’il y a toujours du chemin à faire et beaucoup à apprendre des autres. Je pense que le défi essentiel est la cohérence. La communication ne peut pas être artificielle. Il faut communiquer ce que l’on a au fond de son être, et avec les mots appropriés. Aussi peut-on assurer que la charité est le meilleur langage pour la communication de la foi.

IL FAUT COMMUNIQUER CE QUE L’ON A AU FOND DE SON ÊTRE ET AVEC LES MOTS APPROPRIÉS; AUSSI PEUT-ON ASSURER QUE LA CHARITÉ EST LE MEILLEUR LANGAGE POUR LA COMMUNICATION DE LA FOI

Cest ce qu’a exprimé le pape François dans son message pour la 50ème journée des communications sociales : « Si notre cœur et nos gestes sont animés par la charité, par l’amour divin, notre communication sera porteuse de la force de Dieu. » (25 janvier 2016).