Dans le coeur de Dieu

Bruno Leroy, éducateur de rue depuis de nombreuses années, nous parle de son engagement au service des laissés-pour-compte de la société et de son attachement à Saint Josémaria.

30 mai 2015 - Interview de Bruno Leroy, éducateur social

« Habiter le temps qui est le nôtre en vivant chaque instant, triste ou joyeux, dans le cœur de Dieu »

En 2007, vous nous racontiez votre travail d’éducateur de rue. Qu’en est-il aujourd’hui?

Depuis 2007, notre société a bien changé. La précarité n’a eu de cesse de gagner du terrain, renforçant chez tous, la peur des lendemains. Bien que légitime, cette peur est terriblement mortifère. Fondée sur un manque de confiance en soi, elle tue tout esprit de créativité et toute volonté d’entreprendre. C’est pourquoi j’ai décidé d’élargir mon panel et de me tourner vers les plus pauvres, que ce soit chez les jeunes ou les adultes. Pour ce faire, je travaille en partenariat avec de nombreuses associations. Dieu merci, il existe en région Nord-Pas-de-Calais un véritable vivier de solidarité. Je suis d’ailleurs toujours surpris de croiser sur ma route tant de bonnes volontés. Quel plus beau cadeau en effet que cette attention à autrui en temps de crise économique ! C’est cette conviction tous les jours renouvelée qui me conforte dans mon engagement d’éducateur social au service des plus pauvres.

C’est au détour d’une lecture que vous avez fait la rencontre de Saint Josémaria. Quelle relation entretenez-vous avec lui ?

Je discute avec Saint Josémaria comme on partage ses joies et ses peines avec un ami. C’est donc tout naturellement que je me suis tourné vers lui lors de l’AVC dont j’ai été victime, peu de temps après notre première interview. Je ne savais plus alors si je devais ou non persévérer dans mes fonctions d’éducateur. Plus que la mort qui, nous le savons tous, peut venir nous cueillir à chaque coin de rue, je craignais les nouvelles limites qui étaient les miennes (troubles de mémoire, grande fatigue, etc.). Saint Josémaria m’a aidé à apprivoiser avec humilité cette nouvelle situation et à transformer mes peurs en confiance absolue en Dieu.

Lorsque vous parlez de Saint Josémaria, vous faites souvent référence à « la théologie du temps présent »? En quoi consiste-t-elle ? Comment peut-elle nous aider au quotidien?

Par Théologie du temps présent, j’entends le fait d’habiter le temps qui est le nôtre en vivant chaque instant, triste ou joyeux, dans le cœur de Dieu. Parce qu’ils constituent la matière première de nos vies, tous de nos gestes doivent être accomplis avec attention. Je suis en effet convaincu que chacune de nos paroles et chacun de nos regards peuvent ainsi contenir une goutte de rosée de l’Esprit. Vivre la théologie du temps présent c’est donc refuser le diktat de l’efficacité, de la rentabilité et du repli sur soi. C’est aussi s’émerveiller de la beauté cachée des choses et des êtres, offrir à nos amis une oreille toujours attentive, savoir se ressourcer en Dieu et trouver dans la prière la sérénité qui fait tant défaut dans nos existences. En deux mots : nous connaître en profondeur et nous ouvrir aux autres. Il suffit parfois de changer de point de vue pour se rendre compte que le bonheur est au bout de la route.

Vous partagez avec Saint Josémaria une vision à la fois belle et exigeante de la foi. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Saint Josémaria disait que les chrétiens sont souvent coupés en deux, entre d’un côté leur pratique religieuse et de l’autre leur foi. Aussi triste que soit ce constat, force est bien d’admettre que pour nombre de chrétiens pratiquants, le SDF que l’on croise à la sortie de l’église n’a aucune forme d’existence. Nous ne pouvons laisser s’installer tant d’indifférence au sein de la famille des chrétiens. Il est grand temps que nous vivions notre Foi en vérité. Par manque de maturité spirituelle ou parfois par peur, certains se cachent derrière leur foi pour se détourner de la réalité. Ils se trompent car Dieu aime les cœurs enflammés, non les cœurs tièdes !

Pour Saint Josémaria, « la vie de l’Homme sur la terre est une vie de combat, et les jours de l’Homme s’écoulent sous le fardeau du travail. Personne n’échappe à cette exigence, pas même les poltrons qui refusent de la comprendre : ils désertent les rangs du Christ et se démènent dans d’autres luttes pour satisfaire leur paresse, leur vanité, leurs ambitions mesquines ; ils vivent esclaves de leur caprices. La nécessité de lutter est inhérente à la nature Humaine ! »*. Une bien belle exigence que chaque chrétien devrait méditer et vivre ! Comment ? En acceptant, chaque jour, de se remettre au travail pour Dieu, dans son activité professionnelle ou, quand celle-ci vient à manquer, en s’engageant bénévolement auprès des personnes âgées, des jeunes considérés en difficulté, des travailleurs précaire, etc. Croyez-en mon expérience : offrir de son temps au service des laissés-pour-compte est une voie d’enrichissement infini. Cessons donc de nous apitoyer en pensant égoïstement que nous sommes seuls au monde ! Renonçons à nos têtes d’enterrement pour enfin rayonner de joie. Le secret du Bonheur n’est pas d’exister uniquement pour soi mais, au contraire, de s’investir pour l’autre. C’est ce que m’ont permis de comprendre les paroles du Christ et l’enseignement de Saint Josémaria.

* Amis de Dieu, point 217

Voir aussi :

. Interview 2007

. Blog de Bruno Leroy

. Blog de la porte parole : Qu’as-tu fais de ton frère ?